Pour un Humanisme humble et ambitieux

Janus est le dieu romain des transitions, d’où le nom du mois de janvier. Il est représenté avec un double visage, tourné à la fois vers l’année qui vient de s’écouler et vers l’année qui commence. Et ce double regard nous incite à être à la fois humble pour l’année passée et ambitieux pour celle à venir. 

Humble car dans l’année passée nous n’avons sans doute pas réalisé ou réussi tout ce que nous avions prévu ou promis, que ce soit pour nous même, ou pour susciter un renouveau du projet humaniste.

Humble, car durant cette année se sont passées beaucoup de choses que nous n’avions pas prévues, et d’autres même pas imaginées possibles, tant elles peuvent remettre en question notre foi dans une humanité qui serait capable un jour de vivre de façon responsable, solidaire et apaisée.

Humble, car une fois de plus, il apparait que bien des choses nous dépassent, que notre puissance n’est pas celle que nous imaginons, que même notre compréhension est souvent assez limitée ou biaisée. 

Humble, car depuis longtemps bien d’autres que nous, ayant produit des œuvres intellectuelles remarquables ou ayant réalisé des actions exemplaires, ont cherché à installer les voies et les moyens d’un humanisme qui transcende les différences sociales et culturelles et résiste à l’épreuve du temps.

Humble, car répéter avec Rousseau « Hommes soyez humains ! » ne suffit pas, n’a jamais suffi.

Humble, du latin humilis -humus- à pour sens premier qui est près du sol, c’est-à-dire qui garde les pieds sur terre, conscient des réalités, de leurs poids, de leurs duretés, de leurs résistances à nos désirs et nos projets. Humble, mais ne sous-estimant ni ne mésestimant ce qui a été accompli.  Humble mais pouvant être fier de ce qui a été fait, mais ne se laissant dominer ni par l’orgueil ni par la toute-puissance. Humble, mais moins encore gagné par la pensée magique, qui est la voie de la pensée et l’action paresseuses, ou pire par la résignation qui est la voie de l’abandon de son humanité.

Humble mais ambitieux, car les objectifs de l’humanisme sont l’essence même de notre humanité : le socle d’abord, le respect inconditionnel de la dignité de chaque homme ; ensuite, la possibilité pour chaque homme d’exprimer pleinement son autonomie de pensée et d’action, de suivre son élan pour comprendre et apprendre ; enfin la conscience de sa communauté de destin avec tous les autres hommes et la solidarité universelle qui doit en découler.   

 Ambitieux, car se sont multipliées des forces contraires, diverses et puissantes qui avec cynisme et savoir-faire promeuvent des modèles autoritaires, qui ne disent pas forcément leur nom, mais qui séduisent par le confort du simplisme et de la soumission consentie. Qui libèrent du poids de la responsabilité et de l’inconfort du doute et qui réduisent le libre arbitre à de simples choix mercantiles rassurants et ramènent la pensée critique à de simples « j’aime/j’aime pas – j’y crois/ j’y crois pas ».  

Ambitieux, car les adversaires et les ennemis de l’humanisme le sont.

Ambitieux, car si l’humanisme ne peut humblement avancer que pas à pas, le chemin ne vaut que si on décide d’aller au bout : construire une société humaniste. Humble car ce chemin sera périodiquement à retracer et reconstruire, à entretenir sans cesse pour résister à l’érosion des égoïsmes, des individualismes, des communautarismes, à l’attrait du court terme, à la peur de l’avenir.

Ambitieux, car chaque homme mérite que l’on se batte pour sa dignité, pour sa liberté, pour son avenir. Et cela vaut à 50m de chez nous comme à 5000 km.

Patrick Margron

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