Tout semble justifier le cynisme, le pessimisme, le défaitisme. De partout s’accumulent les mauvaises nouvelles, les quelques bonnes passent inaperçues, des décisions évidentes cent fois promises sont toujours remises à plus tard, les plus « plus jamais ça » ne retiennent aucune répétition des pires horreurs et des pires absurdités, des progrès humains que l’on croyait acquis et non négociables sont remis en cause, fragilisés, contestés. Et pourtant.
Et pourtant tous les jours les hommes font des choses merveilleuses. Envers et contre tout, ils s’entraident, ils font face, ils prennent soin des uns des autres, de la planète, du vivant, ils s’engagent avec altruisme sans rien demander pour eux, juste pour l’avenir, pour le futur des autres, par devoir, par amour, ils refusent l’oppression, luttent pour leur liberté et leur dignité et celles des autres.
Et pourtant tous les jours les hommes découvrent des trésors de connaissances. Sans jamais se contenter de ce qui semble connu ils cherchent plus loin, résolvent des mystères, ouvrent de nouvelles fenêtres, ne se découragent pas de l’absence apparente de résultats, partagent sans relâche leurs connaissances, leurs doutes, leurs questions.
Et pourtant tous les jours la pulsion de vie gagne. Le regard d’un nouveau-né, le rire d’un enfant, l’attention des parents à transmettre un geste à leur enfant, la beauté d’un paysage, la sérénité d’un ciel ou la puissance des nuages de l’orage qui vient, la sublime fragilité d’une fleur, un chat qui joue. Tous les jours quelque chose vient nous cueillir au creux du cœur, au fond des yeux, sans crier gare, sans bruit, sans qu’il n’y ait rien à faire, surtout rien à faire, simplement car l’espace d’un instant nous étions disponible, sans carapace ni déguisement, sans attente ni exigence.
Donc oui, l’émerveillement est un moment à accueillir, à savourer, à partager. Il nous reconnecte à notre humanité, notre intériorité, nous redonne des forces pour être un meilleur humain, pour que la lucidité face aux malheurs du monde et aux injustices que les hommes s’infligent ne finisse pas par éteindre la lumière qui nous fait agir.
Patrick Margron