Respect de soi-même et respect de l’autre : faut-il respecter l’irrespectable ?

On aime penser que respect de soi et respect de l’autre vont toujours de pair, comme deux faces harmonieuses d’une même médaille. Pourtant, la réalité est plus rugueuse : respecter l’autre peut parfois signifier cesser de se respecter soi-même. Et inversement, se respecter pleinement peut exiger de retirer son respect à ceux qui ne le méritent pas.

Respecter ceux qui n’ont aucun respect – pour autrui, pour la vérité, pour la justice – reviendrait à donner un crédit immérité à la violence ou au mépris. Ce serait comme saluer poliment celui qui nous crache au visage. Où serait alors le respect de soi ? Dans certaines situations, le refus de respecter est la seule manière de ne pas trahir sa propre dignité. Le mépris, lorsqu’il est dirigé contre l’injustice, peut alors devenir une forme paradoxale de respect de soi-même.

Mais il serait trop simple de conclure que l’on peut « retirer » le respect à volonté. Car l’autre, même indigne, reste humain. Le danger, en niant son humanité, serait de se déshumaniser soi-même. C’est ici que se joue un paradoxe : on ne respecte pas toujours ce que l’autre fait, mais on ne peut pas cesser totalement de le respecter comme être humain sans basculer dans une logique d’exclusion radicale : C’est pourtant parfois bien tentant (celui ou celle qui a visionné les audiences du procès Barbie, et j’en suis, va vous objecter qu’il est bien difficile de conserver à certains individus leur statut d’humain et le respect qui va avec …). Dans ce cas, il n’est bien sûr plus question de « respect » mais d’un constat que humain et humanité ne vont pas forcément de pair.

Le respect n’est pas une monnaie qu’on distribue ou qu’on retire selon les humeurs : il est une tension permanente. Respect de soi et respect de l’autre ne s’équilibrent pas dans la douceur, mais parfois dans le conflit. Refuser de respecter certaines attitudes n’est pas une trahison du respect, mais peut-être au contraire, son expression la plus lucide. Car respecter l’autre inconditionnellement reviendrait à se nier soi-même ; mais se respecter soi-même exige-t-il de continuer malgré tout à reconnaître, dans l’autre – même le pire – un reste d’humanité ? Il y a des jours où je suis bien incapable de répondre à la question …

Isabelle Aurerin

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