Victor Hugo disait que « lire, c’est allumer une lumière dans l’obscurité, donner à chacun la possibilité d’écrire son propre destin ».
Lire est souvent perçu comme un effort
Dans un monde saturé d’informations instantanées, où réseaux sociaux et médias nous bombardent d’opinions prêtes à consommer, lire apparaît comme le moyen privilégié pour cultiver son esprit critique. Mais lire est souvent perçu comme un effort, voire une contrainte face à la facilité des formats courts et des vidéos virales. Or, c’est précisément parce qu’elle demande un engagement actif que la lecture nous offre les clés d’un discernement affûté.
Car, contrairement aux contenus éphémères conçus pour capter notre attention en quelques secondes, les livres, les articles approfondis et, encore mieux, les essais nous confrontent à la complexité des sujets. Ils dépassent les simplifications abusives et les raccourcis médiatiques et nous permettent de passer de l’information (si tenté qu’elle soit vraie) à l’opinion. C’est ainsi qu’un élève, en lisant un ouvrage d’histoire ou d’économie pourra acquérir les clés permettant d’appréhender les racines des crises actuelles, au-delà des slogans et des analyses superficielles.
La lecture nous oblige aussi à ralentir, à réfléchir, participant ainsi à confronter des points de vue différents plutôt qu’à se limiter à une ingestion d’informations qui confine à l’indigestion. Un article de presse lu en intégralité, un essai philosophique ou même un roman engagé nous expose à des raisonnements structurés, là où un tweet, un réel ou un titre choc ne fait qu’effleurer la surface.
Sans une démarche active de lecture, nous risquons de devenir des réceptacles passifs d’informations désordonnées et d’opinions dominantes. Les algorithmes des réseaux sociaux nous enferment dans des bulles informationnelles, nous exposant majoritairement à des idées similaires aux nôtres pour nous inciter à continuer notre présence sur les réseaux. La lecture, en revanche, nous permet de sortir de cette logique : elle nous invite à des opinions divergentes et à des confrontations fécondes car, en choisissant nos sources, en croisant les perspectives, nous apprenons à distinguer les faits des interprétations, les arguments solides des sophismes.
Prendre le temps de lire des auteurs aux sensibilités différentes, des analyses contradictoires, ou des récits historiques précis, c’est se donner les moyens de former sa propre opinion plutôt que de répéter ce que l’on a entendu. Et c’est par cet effort, ce temps consacré à regarder, à décrypter et à appréhender le monde que nous nous émancipons et devenons des hommes libres.
Et ce rapport de la liberté à la lecture est tellement important que lire est re-devenu dans nos démocraties, un acte de résistance intellectuelle.
Quand l’émotion l’emporte sur la raison, quand les débats se polarisent à outrance, quand l’information passe souvent par l’image et qu’elle nous plonge dans l’émotion, sans prise de distance et réflexion, alors lire (re)devient un acte de d’émancipation, de liberté et de résistance à une pensée unique ou, pire, à une pensée dirigée et dirigiste, masquée sous les voiles rassurants de la démocratie. Lire arme contre la manipulation, les préjugés et les fausses nouvelles. Lire développe notre capacité à questionner, à nuancer, à peser le pour et le contre. Lire libère.
Que ce soit à travers la littérature, les essais politiques, les sciences humaines ou même la presse indépendante, chaque lecture est une pierre ajoutée à l’édifice de notre discernement personnel. Plus nous lisons, plus nous sommes capables de construire notre grille d’analyse et de discerner les enjeux cachés derrière les discours, de saisir les nuances et de refuser les vérités toutes faites.
Alors oui, la liberté n’a pas de prix… mais elle a un coût. Celui du temps, de la concentration et de l’effort de lire. Mais ce coût ne doit pas être vu comme une dépense, mais comme un investissement précieux. En faisant de la lecture une pratique régulière, nous ne subissons plus le flux incessant des informations ; nous apprenons à le décrypter, à le critiquer et, finalement, à penser par nous-mêmes.
Alors, la prochaine fois qu’un sujet d’actualité vous interpellera, au lieu de vous contenter de réactions à chaud sur les réseaux, plongez dans un livre, un long article, une analyse documentée. Votre discernement vous en remerciera.
William Cargill